Le contexte
La cuisine, de nos jours, suscite un engouement incontestable. Elle est, en effet, très présente dans l’actualité : inscription au patrimoine de l’UNESCO, films, téléfilms, émissions de télévision, cours au sein des cuisines des chefs cuisiniers, multiplications des sites et blogs culinaires sur internet, jeux vidéo etc. En somme, la cuisine remporte un succès remarquable auprès du grand public.
Généralement, les domaines importants de la vie en société sont encadrés par le droit. De fait, peu nombreux sont les domaines où le droit n’est pas présent. Chaque acte de la vie, même courant, est un acte juridique. Le droit est partout. Partout ? Non, il n’est pas dans les cuisines. Si le droit n’est pas absent du domaine de l’alimentation, il l’est de celui de la cuisine. Or, il n’est pas question ici de la protection des aliments mais celle des recettes et créations culinaires. Celles-ci sont absolument absentes du paysage juridique.
En effet, en droit français, aujourd’hui, il n’est pas possible pour les cuisiniers de protéger leurs recettes, leurs créations culinaires, pour pouvoir en revendiquer une propriété et interdire à d’autres personnes de les copier.
Comment est-ce possible vu l’importance indéniable de la cuisine dans notre vie et dans la société aujourd’hui ? Pourquoi existe-il un tel vide juridique ou tout au moins un tel manque de protection ? Existe-il un réel besoin de protéger les recettes et créations culinaires ?
Quel serait le droit le plus adéquat pour offrir une protection aux recettes et créations culinaires ?
-le droit de la propriété littéraire et artistique : c’est essentiellement le droit d’auteur.
-le droit de la propriété industrielle : il concerne principalement les brevets, les marques et les dessins et modèles.
C’est le droit d’auteur qui est le plus à même de protéger les créations d’un point de vue artistique. Il le fait déjà pour les œuvres littéraires, les œuvres d’art, les œuvres musicales, les œuvres cinématographiques etc. En effet, pour qu’une création soit protégée par le droit d’auteur, il faut qu’elle réponde à deux conditions cumulatives : être une œuvre et être originale.
Certes le droit d’auteur reconnait dans une création culinaire une œuvre dans le sens où elle est une forme créée par un être humain mais le droit d’auteur ne voit pas dans les créations culinaires des œuvres originales. Or, l’originalité est la condition pour obtenir la protection d’une œuvre par le droit d’auteur.
En effet, il est plus facile pour les juges de reconnaître l’originalité grâce aux sens auditifs et visuels mais c’est beaucoup moins évident avec les sens du toucher, de l’odorat et surtout du goût. C’est ainsi que les cuisiniers se retrouvent face au même problème de manque de protection que les parfumeurs.
A défaut d’avoir la protection du droit d’auteur, il est possible d’utiliser d’autres moyens juridiques pour avoir une propriété sur ses recettes et créations culinaires et pouvoir interdire à d’autres personnes de les copier.
Pour s’en convaincre, il convient d’approfondir le sujet...
Doctorante en droit
Étudiante en droit, je m’intéresse plus précisément au droit de la propriété intellectuelle. Durant mon Master 2 (ancien DESS) Droit de la Propriété Industrielle, j’ai rédigé un mémoire sur « La protection juridique des recettes et créations culinaires ». Désormais, je suis en doctorat de sciences juridiques. J’ai choisi d’approfondir le sujet de mon mémoire dans le cadre d’une thèse.
Le sujet de thèse :
« Protection et valorisation des recettes et créations culinaires »
Ce sujet a pour premier but d’expliquer l’inexistence, aujourd’hui, d’une réelle protection des recettes et créations culinaires et de présenter les moyens palliatifs actuels pour parvenir à éviter la copie et le non-respect des recettes et créations culinaires dans la mesure du possible.
Mais ce n’est pas le seul but puisque la seconde finalité de cette thèse est de proposer une protection par le droit d’auteur voire de créer de toutes pièces un système juridique de protection des recettes et créations culinaires qui allierait à la fois propriété, reconnaissance d’une recette à son auteur, d’une création culinaire et transmission, protection, pérennisation, évolution de celles-ci. En effet, une protection des recettes et créations culinaires n’est pas forcément contraire à la transmission du savoir-faire culinaire et à l’art de la gastronomie.
Cependant, de nombreuses questions se posent :
« Quelles recettes culinaires protéger ? »
Malgré le cortège de questions que cela suscite, selon moi, il n’est pas seulement nécessaire de créer un droit qui concerne les recettes et créations culinaires, il est aussi essentiel de créer une véritable protection juridique des recettes et créations culinaires afin de les valoriser.